Dimanche matin du solstice d’été : ce matin le ciel était couvert, il n’était pas possible d’aller voir le soleil se lever sur le menhir et l’allée couverte proche. Le ciel est en berne.
Ce matin est rendu hommage à Eric Tabarly en rade de Brest.
Jacques Chirac, notre président de la République y assiste, accompagné de cinq de ses ministres. En soi c’est bien.
Mais ce matin, depuis hier soir même, j’ai moi aussi le coeur en berne, j’ai appris par un message personnel d’Eugene Louie, journaliste du San Jose Mercury News en Californie, qu’un français, sympathisant de la cause tibétaine, s’était immolé par le feu parce que le Dalaï Lama n’était pas reçu, ni à l’Elysée ni à Matignon.
Je ne suis pas une accro des infos qui me démoralisent trop, mais j’écoute France-Inter et j’ai regardé les journaux télévisés exceptionnellement ces mercredi et jeudi derniers parce que Mélanie accompagnait les associations tibétaines et le Dalaï Lama à l’Assemblée Nationale, et je n’ai rien vu, rien entendu. Il m’a fallu aller voir la dépêche sur Yahoo.
Que faudra-t-il pour que les consciences se réveillent ? Ça me rappelle ce qu’avait répondu un journaliste d’une grande rédaction hebdomadaire à mon amie Marie-Jo Merchez qui l’alertait sur la grève de la faim à Delhi à partir des messages internet de Mélanie : » ça ne nous intéresse pas : il n’y a pas de photo !… » C’est juste après que Thupten Ngodup s’était immolé …
Alors que le Dalaï Lama s’exprimait à la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale, Gérard Blanchard, gardien de musée de 44 ans, s’est arrosé de White-Spirit et a craqué une allumette dans le parc Paumier de Meudon (Hauts-de-Seine) mercredi 17 juin à midi sous l’oeil de témoins qui n’ont pu éteindre le feu.
« Le désespéré » est mort de ses blessures. Une perquisition de la sécurité publique des Hauts-de-Seine au domicile de Gilles Blanchard a permis la découverte d’une lettre adressée à ses parents expliquant son geste par « un acte pacifique pour soutenir la cause tibétaine ». (Associated Press vendredi 19 juin 13h03 heure de Paris).
On va sans doute dire maintenant que l’acte de Gérard Blanchard est une « bouffée délirante », c’est la dernière explication des médecins et psychiatres pour expliquer ce qui les dépasse : l’appel à spiritualité, l’appel à respect de l’être humain dans sa globalité, y compris dans ses aspects encore inexpliqués par cette science qui croit tout savoir en se déclarant cartésienne. Descartes pourtant lui aussi a eu des « bouffées délirantes » lorsqu’en songe il a vu les phases de sa méthode. Et Pascal avec son pari et Einstein avec sa relativité et tous ceux qui ont suivi leurs intuitions « divinatrices » qui les mettaient en contact avec le divin, lien mystérieux avec la création.
Je suis navrée que cet homme ait pensé qu’il devait donner sa vie pour que vive le Tibet. Qu’il ait estimé que la vie ne valait plus la peine d’être vécue dans un pays où les gouvernants préfèrent respecter les diplomaties commerciales que de s’impliquer dans la défense publique des droits de l’homme en recevant ouvertement le Dalaï Lama, représentant politique et spirituel d’un pays qui a perdu tous ses droits.
J’y vois un terrible sens : l’écart creusé entre les gouvernants et les gouvernés. Jacques Chirac et Lionel Jospin auraient dû prendre quelques minutes pour recevoir le Dalaï Lama s’ils ont encore quelque prétention à représenter le pays des Droits de l’Homme et en assurer la légitimité. Ou alors qu’ils avouent n’être plus que des commis voyageurs.
Comme l’ONU finalement…
triste solstice d’été 98…
[Marie-Hélène le Donze. – le 21-06-98]
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