Réveil du bon sens.

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Jacques Guyard condamné pour avoir qualifié le mouvement anthroposophe de secte. Les travaux de la commission d’enquête parlementaire ne constitueraient pas une « enquête sérieuse »

Pour avoir qualifié de « secte », sur France 2, le mouvement anthroposophe, le président de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes, Jacques Guyard, a été condamné,mardi 21 mars, à 20 000 francs d’amende et 90 000 francs de dommages-intérêts. Le tribunal de Paris a estimé que M. Guyard n’était « pas en mesure de justifier d’une enquête sérieuse » à l’appui de ses accusations.

IMPOSSIBILITÉ de « justifier d’une enquête sérieuse », documents non « pertinents » ou n’ayant « aucune valeur probante », « rapport ne présentant aucun caractère contradictoire »… Les méthodes de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes ont du plomb dans l’aile, à lire le jugement de la dix-septième chambre correctionnelle du tribunal de Paris qui a condamné, mardi 21 mars, son président Jacques Guyard, député (PS) de l’Essonne, à 20 000 francs d’amende et 90 000 francs de dommages-intérêts pour avoir diffamé trois mouvements anthroposophes se réclamant du courant de pensée de Rudolf Steiner.

Le 17 juin 1999, alors que la commission d’enquête vient de rendre public son deuxième rapport, portant sur les sectes et l’argent, M. Guyard est l’invité du journal de 13 heures, sur France 2. Un reportage sur « un foyer communautaire » anthroposophe est diffusé. L’anthroposophie, non répertoriée parmi les sectes dans le premier rapport de 1995, figure cette fois dans la liste parlementaire. Question : « Sur quels critères cette communauté a-t-elle été classée sous le nom de secte ? » Réponse : « Elle est typique ».

Tous ces mouvements sont d’abord séduisants et puis il s’avère que leur objectif principal, c’est quand même ou de détourner de l’argent ou d’exercer un pouvoir absolu sur des personnes (…). Là, il y a endoctrinement tout à fait clair. « Et M. Guyard d’évoquer » un aspect médical inquiétant sur la base de « témoignages précis de malades ».

La Fédération des écoles Steiner (17 en France, dont 2 sous contrat, 180 en Allemagne) n’a guère apprécié. De même, la Nouvelle Economie Fraternelle (la NEF), société de crédit anthroposophe, contrôlée par la Caisse centrale du Crédit coopératif et partenaire officiel du ministère de l’emploi. De même, le Mercure fédéral, union des associations médicales anthroposophiques de France (400 médecins, 1 500 prescripteurs), qui indique que la médecine anthroposophique est prise en compte par les instances européennes au même titre que l’acupuncture, l’homéopathie ou la phytothérapie.

« Je ne savais pas qu’on allait parler ce jour-là uniquement de l’anthroposophie », s’est défendu Jacques Guyard pour tenter d’expliquer ses propos à la télévision. Le député a cependant maintenu l’appellation « secte », sur la foi, notamment, d’un « blanc » des renseignements généraux. Puis a maintes fois fait référence au caractère « secret » du travail de la commission parlementaire, l’empêchant, selon lui, de divulguer ses sources.
« Ça fait beaucoup de secret alors que tout le monde a intérêt à savoir comment cela se passe ! », a fini par s’exclamer Martine Ract-Madoux, la présidente du tribunal.

AUCUN « CARACTÈRE CONTRADICTOIRE »

Dans son jugement, celui-ci a conclu : « Force est de constater que M. Guyard a formulé des accusations à la télévision contre un mouvement au sujet duquel il n’était pas en mesure de justifier d’une enquête sérieuse. Il résulte de [ses] déclarations qu'[il] n’a eu connaissance que de témoignages écrits de personnes se disant victimes de l’anthroposophie, mais que ni les rédacteurs de ces correspondances, ni les responsables présumés du mouvement anthroposophique, n’ont été entendus par la commission ; que le caractère contradictoire des investigations diligentées s’est résumé exclusivement à l’envoi d’un questionnaire à une soixantaine de mouvements considérés comme sectaires. »
« Aucun des documents produits n’est pertinent au regard des accusations de manipulations mentales, pressions financières, détournements de fonds et pratiques médicales mettant en péril la vie des malades », a ajouté le tribunal, qui a refusé au document des RG toute « valeur probante ».

Rejetant le bénéfice, pour M. Guyard, de l’immunité parlementaire, pour lequel avait opté le substitut du procureur François Cordier, les juges ont estimé que le préjudice des parties civiles était « important (…) dès lors que les propos diffamatoires [avaient] été tenus par un député, président de [la] commission, dont l’autorité et la compétence n’ont pu être mises en doute par le public ».

[Laurent Prodeau. – le 10-04-00]