Prenons une vue générale de l’évolution en remontant jusqu’à un point au-delà duquel il n’y a plus de vision possible. Il s’en révèle la conception de l’univers, de la terre, de l’Être Humain; la gestation divine décrite dans les Mystères de la Genèse; le cours dramatique de l’Apocalypse; la structure vivante et animée des Hiérarchies Spirituelles. Et c’est dans cet ensemble , à l’échelle de cette évolution universelle, pour situer la véritable figure du Corps du Christ, et de sa figure cosmique. L’histoire de l’évolution toute entière concourt progressivement à faire comprendre ce qui s’appelle « Événement Christique ».
Sans partir des textes pour aller vers des commentaires. On procède des faits spirituels que l’on doit contempler et établir ensuite les rapprochements avec les textes; ceux-ci prennent alors une lumière absolument renouvelée.
Le document qui doit nous servir avant tout de pierre de touche pour aborder cette « Événement Christique » ne peut être autre que; ‘l’évangile de saint Jean’.
À côté des trois évangiles synoptiques, qui font le récit de la vie que Jésus mena sur terre, l’évangile de Jean fait apparaître au regard de l’Esprit la figure éternelle du Christ, le Logos « qui était aux origines et qui était en Dieu ». Révélant ainsi que celui qui a vécu en un corps de chair était la Vérité essentielle qui est pour tous les temps, pour tous les hommes, la racine de toute vie.
Cet évangile, qui contient dans ses premiers versets l’essence même de Principes christiques universels, offraient naturellement le texte le plus apparenté à sa vision.
Pourtant nous ne considérons qu’un but unique : dégager de la gangue sentimentale ou la myopie de notre époque traîne le « bon Jésus » et le « simple de Nazareth » cette Essence Christique Universelle qui n’a eu ni commencement ni fin, cette impulsion spirituelle du Verbe solaire qui s’est unie à la terre pour attirer l’humanité hors du chaos où elle a sombré et continue de sombrer.
Mais cette pure Essence divine n’en a pas moins été mêlée à la nature humaine de Jésus de Nazareth à un moment précis de l’Histoire.
Si même l’on distingue clairement le Verbe incréé de celui qui fut pendant trois ans son support corporel, depuis le Baptême dans le Jourdain jusqu’au Golgotha, on ressent toute la force de la question : Qui fut donc ce Porteur-de-Dieu ? De quelle chair a pu être pétri cet homme appelé à l’union sans mesure ni comparaison ? Qui a pu être Jésus ?
Cette question, les recherches occultes qu’elle a suscitées, les résultats obtenus, occupent tout particulièrement notre intérêt et notre attention et nous pouvons trouver certaines réponses dans les évangiles de saint Luc, de saint Matthieu et de saint Marc. Car cette fois ce sont les trois synoptiques qui apportent confirmations et vérifications.
« L’évangile de saint Luc » contient les premières révélations sur la nature de l’enfant Jésus. « L’évangile de saint Matthieu » va enchaîner et reprendre ces données d’un point de vue complémentaire. On ne peut se dispenser de lire et d’étudier de front ces deux aspects.
D’ailleurs, celui qui rencontrerait aujourd’hui d’avantage un livre semblable au présent article doit savoir que c’est le fragment détaché d’un ensemble qu’il lui faut reconstituer entièrement pour saisir la portée de chaque détail.
C’est pour aider le lecteur occasionnel dans cette tâche que nous voulons renouer le fil dans l’étude d’une certaine recherche de la spiritualité. Il ne s’agit pas de suppléer en quelques mots à la lecture des autres présentations. Rien ne peut remplacer cette étude répétée, reprise pendant des années, cette sorte de lecture-méditation qui seule peut progressivement révéler l’action de l’esprit derrière les mots d’un exposé parfois complexe. Mais il faut tenir compte de la situation défavorable du lecteur non préparé et qui risque de perdre en bonne partie le sens de ce qu’il lit, surtout si on compare sa situation à celle des auditeurs privilégiés. Il faut donc retracer l’enchaînement de certains faits qui pourraient paraître étranges, car l’histoire extérieure ne nous apprend rien à leur sujet. La trace en a été presque entièrement perdue depuis les événements de Palestine. Mais lorsqu’on en laisse agir sur soi le récit , sans préjugé ni parti pris, on en saisit tôt ou tard la nécessité intérieure.
Ces faits ont particulièrement trait à l’enfance du Maître; il faut les rappeler ici pour l’intelligence des pages qui vont suivre.
Avant d’en retracer les grandes lignes, avant d’aborder un récit qui permet d’entrevoir l’un des plus grands mystères de l’évolution humaine, repassons quelques-unes des paroles dans « L’évangile de saint Luc » qui préparent ses auditeurs aux révélations qu’elles vont leur faire.
Lorsque nous parlons de l’événement du Christ, nous avons comme source, les « grands tableaux imaginatifs que nous contemplons » quand nous dirigeons notre regard vers ce qui s’est accompli au commencement « de notre ère. »
« Au commencement de notre ère, beaucoup d’événements exceptionnels » se produisirent pour que le plus grand événement de l’évolution « humaine puisse s’accomplir. »
« Tous les livres du monde ne suffiraient pas à décrire ce qui s’est passé, alors. »
Le Logos, le Verbe incréé, ne s’est pas incarné dans un corps d’enfant. Il est apparu sur terre lorsqu’en son corps une individualité très supérieure et préparée pour cette mission à fait l’offrande, le sacrifice d’elle-même, rejetant son Moi propre hors de ses enveloppes corporelles spiritualisées pour les offrir à l’entité du Christ. Celle-ci ne commence à les habiter qu’à partir du Baptême dans le Jourdain. Elle va dès lors les pénétrer lentement au cours des trois années d’incarnation. L’union ne sera devenue totale qu’au moment de la Passion. C’est un corps humain entièrement imprégné de la vie du Créateur Universel qui sera attaché sur la croix; c’est un sang totalement sublimé par l’esprit même de Dieu qui coulera sur la terre.
Quelle préparation a pu rendre ce corps assez pur pour qu’en lui s’accomplisse une telle alchimie ? Quelle individualité a pu être assez puissante pour élever la nature humaine au-dessus d’étapes en apparence infranchissables ? Et comment cette préparation a-t-elle pu se faire en harmonie avec les lois de l’évolution, ces lois que le Christ ne venait pas perturber, mais vivifier ?
C’est une quintessence de toute la nature humaine qui doit recevoir le Christ; et c’est le résumé de toutes les expériences par lesquelles a déjà dû passer l’humanité sur terre qui doit être conduit vers le Sauveur. De la même source créatrice, à l’origine, sont partis des courants qui se sont divisés et multipliés pour opérer chacun suivant sa nature, suivant l’époque et les contrées où vivaient les hommes. L’unité originelle de la nature humaine a été fragmentée à l’infini. Tout ce qui s’est ainsi éparpillé au cours des âges et des civilisations doit se regrouper. A la rencontre du Dieu qui descend, c’est une synthèse de toute l’humanité qui doit s’élever. Elle se prépare déjà dans les civilisations qui précèdent l’ère chrétienne et commence à former deux grandes « têtes de pont ».
L’une est aux Indes et l’autre se concentre dans le foyer de civilisation égyptienne rattaché, par son inspiration, à l’initié qui domine toute l’époque Perse, puis Chaldéo-Babylonienne de Zoroastre.
L’ultime fusion devra s’opérer en un seul être, mais par étapes successives. Un seul et même corps d’enfant ne peut porter des atavismes aussi complexes. Ce n’est en fait pas d’un seul enfant mais de deux enfants Jésus qu’il est question dans les Évangiles.
L’un est décrit par l’évangile de saint Matthieu, l’autre par l’évangile de saint Luc. Et bien des divergences d’apparence inexplicables se résolvent lorsqu’on sait qu’il s’agit de deux enfants différents.
Le Jésus de saint Matthieu et celui de saint Luc sont issus de la maison de David; mais de deux rejetons différents : Salomon et Nathan. Si l’on compare les deux généalogies (Matth. 1 et Luc 3), on constate qu’elle divergent à partir de David. Matthieu suit la filiation de Salomon, qui fut roi, et Luc celle de Nathan qui fut prêtre. Chacune des deux lignées aboutit à un homme appelé Joseph qui prend une femme nommée Marie. Mais il s’agit de deux couples différent et lorsqu’on connaît la valeur des noms dans la Bible, on ne peut s’étonner que les deux couples de parents choisis n’aient pu recevoir un autre nom que celui qui caractérise ce qui va s’accomplir par eux.
Joseph de la lignée royale habite à Bethléem. C’est lui qui reçoit l’Annonciation de l’Ange. Il prend alors sa femme chez lui et l’enfant naît non dans une crèche, mais dans leur maison (Matth. 2. V II)
Cet enfant reçoit de naissance le corps physique et le corps éthérique que depuis Abrham (Abraham) a préparé obstinément pour lui; Le Peuple Hébreu. Sous la rude loi de Jéhovah, ce peuple se soumet à toutes les règles, qui, au milieu de la confusion des autres peuples, assurent la continuité du sang. A travers quarante-deux générations, la race d’Abraham reste fidèle à l’alliance que Jéhovah a établie avec l’ancêtre et sa postérité. Elle peut transmettre à l’enfant Jésus de la lignée royale le corps physique et le corps éthérique en lesquels vont s’incarner, dès la naissance, l’esprit et l’âme du plus grand initié de l’antiquité qui ait sondé les mystères solaires : Zoroastre.
Zoroastre, l’astre d’or, le maître de toute la sagesse antique qui a inspiré les civilisations à partir de la période hindou, qui a découvert l’art de scruter les secrets de la nature et celui de gouverner les hommes, Zoroastre pénètre donc en des enveloppes corporelles dans lesquelles le passé de l’humanité sur terre atteint son plus haut degré de concentration. « L’étoile d’or » a été reconnue par les héritiers de la civilisation zoroastrienne, les Mages que décrit saint Matthieu. Ce sont des rois qui rendent hommage à l’enfant royal.
Celui-ci entre plus en contact encore avec les contrées où l’action civilisatrice de Zoroastre a pénétré; car c’est lui que les circonstances font fuir en Égypte. Guidé par le principe paternel (c’est toujours Joseph qui reçoit les avertissements de l’ange), l’enfant est ensuite ramené non point à Bethléem, mais à Nazareth où il va vivre désormais. C’est là que ses parents vont mettre encore au monde six enfants, quatre fils et deux filles, ceux que l’Évangile appelle les « frères et les sœurs du Seigneur »; ils sont de la famille descendante de Salomon.
Or voici qu’à Nazareth vit déjà un autre enfant Jésus; celui-là, le « fils du pauvre charpentier », qui est décrit par saint Luc. C’est lui que sa toute jeune mère à mis au monde dans une crèche alors que, montant de Nazareth à Bethléem avec Joseph, son époux, pour se faire recenser selon l’édit de César Auguste, est arrivé le temps où elle devait accoucher. Ni maison dans la ville, ni or, ni roi; mais une lumière céleste sur la campagne, une armée d’anges qui chantent et de simples bergers qui comprennent quelle est la « gloire » qu’on leur annonce.
Pour se mettre sur la voie des origines de cet enfant, saint Luc ne « descend » pas comme saint Matthieu, le chemin des générations depuis l’ancêtre Abraham. Il « remonte » sa généalogie jusqu’à dieu. Car cet enfant, s’il doit son corps physique à la race de David (par Nathan), il est pénétré d’une substance éthérique aussi pure qu’au premier matin de la création. C’est la partie de la nature éthérique d’Adam qui fut préservée de l’influence luciférienne et conservée dans sa pureté primitive. Elle n’a pas connu le « pêché » et a gardé sa fraîcheur juvénile. Les grâces de cette substance adamique antérieure à la chute sur la terre, de ce premier bourgeon spirituel de l’humanité, pénètrent donc, intactes, en cet enfant Jésus de la ligne sacerdotale. Sa chair est la seule au monde qui ne porte pas le poids d’une hérédité usée et corrompue par les tares de l’humanité terrestre. Elle seule pourra servir d’alambic aux incorporations mystérieuses qui vont faire d’elle l’habitacle du Christ. Elle seule est assez pure, assez impersonnelle et dénuée de tout lien terrestre, pour porter physiquement le Dieu qui va l’employer à la consommation du plus grand des Mystères.
Le moi et le corps astral de Zoroastre, on l’a vu, habitent l’enfant Jésus de saint Matthieu. La vive lumière qui enveloppe la naissance de celui de saint Luc provient de la manifestation astrale du Bouddha « adoubant » l’enfant de la crèche.
Six cents ans avant l’ère chrétienne, le Bouddha avait apporté aux Indes la doctrine de la compassion et de l’amour. Ce qu’il enseigne, c’est la voie intérieure, celle qui rend l’homme maître de ses instincts égoïstes et destructeurs. Le Bouddha détourne du monde des sens, qui fait naître l’avidité, et il ouvre la voie vers l’unité intérieure, la communion universelle. Ce n’est pas encore l’amour qui ne sera fondé que par le Christ sur la liberté intérieure et la conscience individuelle; mais c’est l’irruption du courant qui doit aboutir un jour à cet amour chrétien.
Le Bouddha donne cet enseignement au terme d’une vie dans laquelle il a atteint pour lui-même le sommet de la perfection sur terre. Il ne se réincarnera plus. Mais son corps spirituel de manifestation vient s’unir à la seule nature humaine apparue au cours de l’évolution dans l’état de pureté originelle, telle qu’elle fut conçue par les entités divines avant l’intervention des forces de résistance et de mal. Le « chant des anges » qu’entendent les bergers célèbrent cette alliance entre le premier messager de paix et l’innocence de la nature humaine, conservés sous une forme originelle; cet état d’innocence, toute la culture de l’Inde en a gardé la nostalgie.
L’enfant qui naît dans la crèche n’a pas à fuir devant la colère d’Hérode. Sa naissance a eu lieu après le massacre des Innocents; elle est légèrement postérieure à celle de l’enfant royal. Ses parents le ramènent à Nazareth. Il est circoncis, puis conduit à Jérusalem pour la Purification qu’ordonne la loi juive. C’est alors que le vieillard Siméon perçoit intérieurement la nimbe de lumière autour du nouveau-né qu’on apporte dans le temple, et il s’en trouve « consolé ».
Auprès du Jésus de saint Luc, la jeune mère occupe une place correspondante à celle du père pour le Jésus de saint Matthieu. Elle a reçu l’Annonciation de l’ange et elle « recueille en son cœur » tous les faits qui révèlent le caractère exceptionnel de son enfant. Par elle s’affirme le principe maternel, la voie de l’âme, la vision intérieure, tandis que le Joseph de saint Matthieu exprime le principe paternel, la force sensible, l’autorité royale.
Les deux enfants vivent l’un près de l’autre jusqu’à l’âge où la pénétration doit se faire. A l’un est infusé toute la sagesse acquise au monde, la connaissance du ciel et de la terre. L’autre est sans moyen d’expression mais totalement ouvert par l’amour et la pitié aux souffrances de la condition humaine.
Le temps est venu où la sagesse universelle doit se réunir à l’amour universel; primitivement unis dans la nature divine, divisés pour l’homme depuis sa chute dans la matière, le « pêché originel », (ou plutôt ‘LA TÂCHE ORIGINEL’) , ils doivent se rencontrer pour former l’Être le plus parfait que l’humanité puisse envoyer au-devant du Dieu qui vient vers elle. Ce Dieu de nos Cœurs, ce Dieu de notre Compréhension !
C’est au temps de la fête de Pâques que les deux ne feront plus qu’un. Lorsque l’enfant sacerdotal, âgé de douze ans, monte à Jérusalem avec ses parents pour célébrer la fête, la métamorphose s’accomplit en lui. Ses parents le cherchent et ne le trouvent pas. Or il est au milieu des Docteurs de la Loi « les enseignant et les interrogeant ». L’esprit de Zoroastre vient de quitter l’enfant de Salomon et de passer dans celui de Nathan. Dans celui-ci, il a ouvert la voie à ce qu’on pourrait comparer à la pensée et à son expression. Le Moi de Zoroastre, du plus sage d’entre les sages, habite désormais la plus fine fleur de l’humanité qui soit apparue sur terre depuis Adam, le premier homme. Le corps du « nouvel Adam » se prépare.
Les douze premières années ont permis l’alliance avec l’astralité rayonnante du Bouddha. Et tout le texte de saint Luc, qui a décrit cette alliance, est imprégné de la « douceur évangélique » qui en est émanée. La maturité de Zoroastre imprègne maintenant les enveloppes corporelles de Jésus de toute la sagesse, de toute la connaissance, de toute l’expérience humaine acquise au cours des périodes d’évolution terrestre.
À Nazareth, l’enfant royal a terminé son destin et décline pour mourir peu après. Il en est de même pour son père, ainsi que pour la jeune mère de l’enfant sacerdotal. Le Joseph de saint Luc recueille chez lui la Marie dont l’époux et le fils sont morts lorsque l’esprit de Zoroastre est entré dans l’autre enfant. Lorsque lui-même meurt quelques années plus tard, Marie reste donc la seule survivante des deux couples; c’est elle la « mère du sauveur qui se tient au pied de la croix ». En réalité, elle est la mère éternelle des « frères et sœurs du Seigneur », comme elle le fut de l’enfant en qui vécut pendant douze ans l’esprit de Zoroastre. Cet esprit vit maintenant dans celui qui est devenu son « fils ».
Sur les années de la vie de Jésus pendant lesquelles s’accomplit le travail du corps astral et du moi de Zoroastre, modelant les organes qui serviront d’expression à la pensée divine, les évangiles se taisant; il n’est pas nécessaire non plus d’en parler dans cette étude de « l’évangile de saint Matthieu ».
Au Baptême du Jourdain, l’esprit de Zoroastre a quitté les enveloppes corporelles de Jésus, offrant à Celui qui va descendre en elles le résumé le plus parfait de tout ce qui a travaillée, sur terre comme au ciel, pour former la nature humaine.
[Jean-Samuel G. – le 14-11-02] |