Dans cette causerie, nous considérerons la relation de l’homme avec le quatrième des royaumes de la nature en compagnie desquels il vit sur terre. Ce royaume est intangible non matériel, et ne peut être apprécié par les cinq sens physiques, à moins qu’on ne se trouve dans une condition de sensitivité accrue. Son existence ne peut pas être prouvée, ni les réactions de ses habitants ne peuvent-elles être démontrées dans le laboratoire. Pourtant, pour une personne dont les sens physiques possèdent une sensitivité accrue, ou qui peut faire opérer les sens supérieurs, ce royaume est aussi réel que n’importe lequel des royaumes plus matériels.
Le sceptique, qui considère toute croyance à ce royaume comme imagination ou hallucination, ne sera jamais convaincu de sa réalité, tant que sa conscience intérieure ne sera pas développée. C’est perdre son temps que d’essayer de le convaincre. On ne peut qu’espérer qu’un jour une ouverture se fera dans sa conscience, ou bien que la recherche scientifique découvrira la technique adéquate pour démontrer son existence. L’intérêt pour la recherche parapsychologique a connu une grande période d’expansion dans le monde entier et à tout moment une ouverture nouvelle et convaincante peut se produire. D’après mon expérience personnelle, je sais que ce royaume existe, mais les expériences d’autres personnes ne sont pas nécessairement convaincantes pour celles qui n’en ont pas connu de similaires.
Commençons par définir ce que nous entendons par le royaume élémental. Les philosophes de l’Antiquité et du Moyen-Age croyaient que toute chose, toute matière est l’amalgame de différentes combinaisons de ce qu’ils appelaient les quatre « éléments » – terre, air, feu et eau. Ils croyaient également que ces éléments symboliques étaient habités par des êtres ou entités qu’ils appelèrent « élémentaux ». Nous savons cela d’après les anciens mythes et légendes. La terre, l’air, le feu et l’eau ne sont pas des éléments au sens présent du terme mais ce sont des concepts utiles et importants dans les enseignements ésotériques et occultes et ils possèdent une signification plus haute que celle purement matérielle.
Il est important de comprendre cette interprétation du mot « élémental », c’est-à-dire, un habitant de ces éléments, la terre, l’air, le feu, l’eau, car certaines écoles de pensée utilisent ces mots afin de désigner certaines entités négatives même hostiles du plan astral inférieur, et différentes, par conséquent, des esprits de la nature, des esprits de l’air, et ainsi de suite. Bien sûr, il existe de telles entités élémentales dans le plan astral inférieur qui sont enclines à l’hostilité et au mal, mais je préfère les considérer comme des pseudo-élémentaux, car pour moi, les élémentaux réels sont les esprits de l’air, de la terre, de l’eau et du feu qui n’ont rien à voir avec le plan astral mais viennent d’un plan supérieur et font partie de la hiérarchie angélique. Je ne vous demande pas d’accepter cette définition, si la vôtre, ou vos propres convictions, sont différentes, mais je la propose comme étant le résultat des contacts que j’ai établis et aussi des informations qui m’ont été données. C’est la croyance fondamentale de cette causerie et, de mon point de vue, elle est essentielle à une compréhension du royaume élémental. Je n’ai pas l’intention de paraître présomptueux ou dogmatique, mais les expériences et contacts variés que j’ai eus ont été si convaincants que je ne peux pas avoir d’autre opinion.
Comment sais-je que tout cela n’est pas le produit de mon imagination ? Parce que je n’ai pas beaucoup d’imagination et certainement pas une qui soit fantastique. Je n’aurais certainement pas pu inventer les expériences extraordinaires que j’ai vécues. Mon imagination fonctionne a un niveau pratique, comme celui d’inventer des gadgets ou de frayer un chemin au travers de difficultés matérielles. Vous n’avez que ma parole pour rejeter ou accepter cela.
Hallucinations? Je n’en ai pas l’impression, mais vous avez le droit d’avoir cette opinion. Si mes hallucinations dans le Jardin Botanique d’Édimbourg conduisirent ultérieurement à des événements tels que ceux qui se produisirent dans le Jardin de Findhorn, cela a-t-il de l’importance? Les événements se produisirent. Tout a certainement commencé dans le Jardin Botanique en mars 1966. Édimbourg a la chance de posséder un superbe Jardin Botanique d’une étendue considérable et contenant de nombreuses variétés d’arbres, de buissons, d’arbustes et de fleurs qui peuvent croître en cet endroit. C’était une belle journée de mi-mars et je me rendis au Jardin dans le cours de l’après-midi. Il est situé à proximité de ma demeure et je m’y rends souvent. Après m’être promené pendant quelque temps, j’empruntai un chemin qui contourne le côté nord d’Inverleith House qui est maintenant la Galerie d’Art moderne d’Édimbourg. Je quittai le sentier et traversai une grande étendue d’herbe parsemée de buissons et d’arbres, et ne dirigeai vers un siège situé sous un grand arbre. Le dossier du siège touchait presque le tronc de l’arbre si bien que, lorsque je fus assis, ma tête et mes épaules pouvaient reposer contre le tronc de l’arbre. Tout au long de ma vie j’ai éprouvé un grand amour des arbres et un sentiment d’affinité avec eux, bien que je fusse principalement un habitant des villes. Ce sont des choses vivantes et rien ne m’enchante plus que de me promener à travers une forêt ou un bois tout en leur parlant.
Assis sur le siège, je m’identifiai en quelque sorte à l’arbre, prenant conscience du mouvement de la sève dans le tronc et, aussi, de la croissance infiniment lente des racines. j’expérimentais une expansion de ma conscience et un sentiment d’attente. Quelque chose était sur le point de se produire. Je me sentais tout à fait éveillé et plein d’énergie. J’étais rempli d’un contentement total, me demandant ce qui allait se passer.
Soudain, j’avisai une forme dansant autour d’un arbre, à environ une vingtaine de mètres de moi – une jolie petite silhouette, haute d’à peu près 90 centimètres. Je vis avec étonnement qu’il s’agissait d’un faune, la figure mythologique grecque, moitié humaine et moitié animale. Ses jambes étaient couvertes de poils et se terminaient en sabots fourchus, le menton et les oreilles étaient pointus et il portait deux petites cornes sur le front. Sa peau était d’un marron léger, un être magnifique.
Je regardais au comble de l’étonnement et même fis la chose évidente de me pincer pour voir si j’étais éveillé. Pendant un moment je me demandais si ce n’était pas là un garçon qui se serait déguisé, mais il était évident que cela ne pouvait être le cas. Les sabots fourchus étaient trop définis. C’était là une créature étrange dont je n’avais jamais vu de semblable auparavant. Hallucination? Non, c’était trop réel. Il était aussi distinct que n’importe quelle autre personne dans le Jardin. Devenais-je fou? Je ne le pensais pas. Soudain, tout parut très réel. Pourquoi ne devrais-je pas l’accepter? Il y avait là quelque chose de merveilleux, quelque chose d’excitant. Aussi, je cessai de chercher des explications absurdes et me mis à observer le petit être avec délice.
Tout en dansant, il se dirigea vers un autre arbre, le contourna plusieurs fois, puis, après être allé à un troisième arbre et l’avoir également contourné, il vint vers moi, resta debout pendant un moment à me regarder, puis s’assit en face de moi, les jambes croisées. Je le regardais. Il était très réel. Sans aucun doute je ne le voyais pas avec ma vue physique, bien qu’il ne fût pas là lorsque je fermais les yeux. Je me penchai vers lui et dis « Hello! » Il bondit debout, étonné, et me regarda fixement. « Peux-tu me voir? » « Oui. » « Je ne le croîs pas, les humains ne peuvent pas me voir. » « Oh si ! certains peuvent. » « A Quoi est-ce que je ressemble? » Je lui décrivis son apparence. Il semblait encore intrigué. Il continua de danser, de faire des pirouettes. « Que fais-je? » Je le lui dis. Toujours étonné, il constata « Tu dois me voir. » Il vint alors en dansant vers le siège où je me trouvais, s’assit en se tournant vers moi, me dit-on levant la tête: « Pourquoi les humains sont-ils si stupides? »
Il est possible maintenant que, d’une certaine manière; je personnalise un peu trop cet être. La communication se produisait entre nous à un niveau mental, autrement dit par des pensées, probablement sous forme d’images et de symboles projetés dans mon mental et automatiquement traduits en mots. Sans nul doute je lui parlais, bien que je ne puisse savoir si c’était à voix haute ou bien mentalement. (En général, maintenant, je parle à voix haute lorsque je rencontre de tels êtres.
Bien sûr, Si j’étais vu et entendu par une personne passant assez près de moi, elle penserait « Un vieux fou se parlant à lui-même, combien stupide! » ) – Je dois mettre notre échange sous forme de dialogue car c’est ainsi que je l’entends dans ma tête. Il y a toujours la possibilité d’une coloration venant de mon propre mental bien que je sois sur le qui-vive pour ce genre de choses et que j’essaie de m’en protéger. Étant un scientifique de profession, entraîné à l’observation objective et au raisonnement logique, et possesseur d’une raisonnable bonne mémoire, je n’ai pas de tendance à exagérer les récits des aventures qui me sont arrivées, ni à les embellir afin de les rendre plus attrayantes. Au mieux, je pense que je vous dirai maintenant aussi exactement que possible ce qui s’est passé.
« Pourquoi les humains sont-ils si stupides ? » « Comment cela, stupides ? » Oh, de beaucoup de façons : quels étaient ces peaux ou revêtements étranges qui parfois s’enlevaient ? Pourquoi ne vivaient-ils pas à l’état naturel comme lui-même ? Je lui dis que les peaux s ‘appelaient vêtements et que nous les portions pour notre protection et pour avoir chaud, et parce qu’il était considéré incorrect de ne pas en porter. Il ne pouvait comprendre cette dernière explication, aussi je ne poursuivis pas le sujet. Nous parlâmes de maisons et de voitures, qu’il appelait bottes à roulettes et dans lesquelles ces êtres humains stupides se précipitaient à toute allure, parfois se heurtant entre eux. Était-ce un jeu ?
Il me dit qu’il vivait dans le Jardin, bien que ce ne soit là qu’une partie de la vérité puisqu’il habite aussi un autre plan. Sa fonction dans le Jardin était d’aider à la croissance des arbres. Il me dit également que beaucoup d’Esprits de la Nature ont perdu tout intérêt dans la race humaine, puisqu’on leur a fait sentir qu’on ne croyait pas en eux ou qu’ils n’étaient pas désirés. « Si vous autres humains pensez que vous pouvez vous passer de nous, essayez donc. » « Certains d’entre nous croient an vous et ont besoin de votre aide, je suis l’un d’eux. » Je n’avais aucun désir de poser des questions, car la chose merveilleuse pour moi était le sentiment d’amitié. Je ressentais une harmonie vraiment extraordinaire avec ce petit être assis à coté de moi; une communication où les mots étaient inutiles s’était établie entre nous. Nous demeurâmes assis sans parler lorsque je me rendis compte qu’il était temps pour moi de rentrer. Je me levai et dis : « Je dois partir maintenant. »
« Quand tu viens ici, appelle-moi, je viendrai vers toi. » Il me dit s’appeler Kourmos. Je lui demandai alors s’il pouvait me rendre visite. « Oui, si tu m’invites. » « En vérité, je serais enchanté si tu venais me rendre visite. » « Tu crois on moi? » « Oui, bien sûr, je crois en toi. » « Et tu nous apprécies? » « Oui. J’ai une grande affection pour les Esprits de la Nature. » Ce qui était vrai, bien qu’il fût le premier que j’aie jamais vu en réalité. – « Alors, je viens maintenant. »
Nous nous dirigeâmes vers la Porte Ouest du Jardin, puis nous prîmes Arboretum Road et à travers les rues d’Édimbourg nous marchâmes jusqu’à mon appartement. J’étais amusé à la pensée de la sensation qu’aurait causée cet étrange charmant petit faune s ‘il avait été aussi visible aux yeux des passants qu’il l’était aux miens.
Il entra avec moi dans l’appartement. Je possède une collection assez importante de livres et la pièce de devant est tapissée d’étagères chargées de ces livres. Qu’étaient-ils ? Je le lui expliquai, en lui disant qu’ils contenaient des idées, des spéculations, des faits, des théories, des récits d’événements passés, des histoires inventées que les écrivains avaient écrites et ainsi de suite; le tout imprimé sur du papier et rassemblé dans des livres qui pouvaient être lus par d’autres personnes.
« Pourquoi ? On peut obtenir toute la connaissance que l’on veut simplement en le voulant. » Je lui expliquai que les êtres humains n’étaient pas capables d’accomplir cette chose merveilleuse, tout au moins pas encore. Ils devaient se contenter d’acquérir leurs connaissances par l’intermédiaire d’autres personnes ou de livres.
À nouveau nous passâmes quelque temps assis en silence et an harmonie parfaite. Il se leva, il lui fallait retourner au Jardin. La porte de la pièce était ouverte et il sortit dans le vestibule. Je le suivis, et peut-être parce qu’il paraissait si solide et si réel, je lui ouvris la porte de l’appartement. Il sortit sur le palier et je le regardai descendre l’escalier en courant, légèrement et avec agilité. Arrivé en bas, il disparut soudainement.
C’était là une expérience vraiment étrange que je n’aurais pas pu imaginer. Ce qui m’intriguait le plus, c’était, pourquoi un faune ? Je n’avais pas lu de mythologie grecque depuis quelques années. On m’a suggéré que mon affection pour Debussy et les morceaux que je joue au piano, expliqueraient le faune mais en fait, c’est l’inverse ce n’est qu’après avoir vu le faune que je développai ma passion pour Debussy. La fois suivante que j’allai au Jardin, je l’appelai et immédiatement il se trouva à mes côtés. Nous parlâmes peu et à nouveau nous avions conscience d’une harmonie et d’une amitié merveilleuse. Je savais qu’en lui il y avait une sagesse mure et infinie, alliée pourtant à la naïveté d’un enfant, Je ne voulais pas poser de questions; ce que j’aurais à savoir me serait donné au moment voulu.
Je ne réalisais pas que cela allait conduire à un événement encore plus extraordinaire, un mois plus tard, vers la fin avril. J’étais allé rendre visite à des amis dans la partie sud de la ville. Il était plus de 11 heures quand, dans la nuit, je rentrais à l’appartement. Ceux d’entre vous qui connaissent Édimbourg se souviendront que Princes Street n’a de bâtiments que sur un côté, le côté nord. Mis à part le North British Hotel à l’extrémité est, l’Église St. John à l’extrémité ouest, les deux bâtiments d’allure grecque à moitié chemin le long de la rue, la Royal Scottish Academy et, immédiatement derrière, la National Gallery et le Scott Monument entre la R.S.A. et l’Hôtel, il n’y a pas d’autres bâtiments. En face de Princes Street se trouve le Fort, haut perché sur son roc avec la longue descente vers Holyrood High Street ou Royal Mile et de nombreux autres bâtiments et rues de la vieille ville.
Une colline artificielle porte une rue appelée The Mound qui joint High Street au centre de Princes Street par une double courbe. D’un côté se trouve le Fort et au loin, en contrebas, le chemin de fer et les Jardins d’ouest, de l’autre côté la R.S.A. et la National Gallery, les Jardins Est et le Monument de Scott. C’était une belle soirée et il y avait peu de monde. Alors je descendais cette rue d’où on a une vue merveilleuse d’Édimbourg. Je songeais combien la cité paraissait belle avec ses nombreuses lumières et combien paisible elle était à ce moment. Je me sentais heureux et satisfait. J’avais assisté à une soirée intéressante et je songeais aux choses dont nous avions parlé.
Je venais de dépasser le dernier tournant de la rue qui descend le long de la National Gallery, lorsque je pénétrai soudain dans une atmosphère extraordinaire. Je n’ai jamais rencontré quelque chose de semblable. C’était comme si je n’avais aucun vêtement et je marchais à travers une substance plus dense que l’air, mais pas aussi dense que l’eau. Je pouvais la sentir contre mon corps. Elle produisait une sensation de chaleur et un picotement semblable à celui provoqué par des aiguilles ou un choc électrique et je sentais comme des toiles d’araignée effleurant ma peau. A nouveau ce sentiment d’attente et une sensitivité accrue des sens. Lorsque j’approchai l’espace séparant les deux bâtiments, je pris conscience d’une forme marchant à côté de moi, légèrement plus grande que moi. C’était un faune rayonnant une puissance immense. Je jetai un coup d’oeil dans sa direction. Sûrement çà ne pouvait être là mon petit faune soudainement grandi ? Nous continuâmes de marcher. Il se tourna vers moi et me regarda.
« Eh bien, n’as-tu pas peur de moi? » « Je ne ressens aucun mal en ta présence, je ne vois aucune raison pour laquelle tu me voudrais du mal. Je ne me sens pas effrayé. » « Sais-tu qui je suis? » Je le savais à ce moment-là « Oui, tu es le grand dieu Pan. » « Alors tu devrais être effrayé, votre mot ‘panique’ vient de la peur provoquée par ma présence. » « Pas toujours, je n’ai pas peur. » « Peux-tu me donner une raison? » « Peut-être à cause de l’affinité que j’éprouve pour tes sujets, les esprits de la nature et les créatures des bois. » « Tu crois en mes sujets? » « Oui. » « Est-ce que tu aimes mes sujets? » « Oui, je les aime. » « En ce cas, est-ce que tu m’aimes? » « Pourquoi pas? » « Est-ce que tu m’aimes, toi? » « Oui. »
Il me regarda d’une façon particulière, avec un sourire étrange et une lueur dans les yeux. Il avait des yeux marron, profonds et mystérieux. « Tu sais, bien sûr, que je suis le diable ? Tu viens de dire que tu aimes le diable. » « Non, tu n’es pas le diable, tu es le dieu des bois et des forêts et de tout ce qui y vit. Je ne perçois aucun mal en toi. Tu es Pan. » « Mais tu sais que l’Église chrétienne m’a pris comme modèle pour le diable. Vois mes sabots fourchus, mes jambes couvertes de poils et les cornes sur mon front. » « L’Église a transformé bien des dieux païens en diables, entités hostiles et diablotins. » « L’Église avait-elle donc tort ? » « L’Église accomplit cela avec les meilleures intentions selon son point de vue, mais elle était dans l’erreur. Les anciens dieux ne sont pas nécessairement des diables. »
Nous traversâmes Princes Street, passâmes devant le magasin de Jenner et tournâmes dans South St. David Street. « Qu’est-ce que tu sens ? » Depuis qu’il m’avait rejoint, j’avais été conscient de l’odeur merveilleuse de forêts de pins, de feuilles humides, de terre fraîchement remuée et de fleurs des bois. Je lui dis cela. « N’ai-je pas une odeur rance de bouc ? » « Non, je distingue une légère odeur de musc animal comme la fourrure d’un chat plein de santé. C’est agréable, presque comme de l’encens. Prétends-tu toujours être le diable ? » « Il me faut découvrir ce que tu penses, c’est important. » « Pourquoi ? » « Pour bien des raisons. » « Ne me diras-tu pas quelle est cette raison ? » « Pas maintenant, cela deviendra apparent en temps voulu. »
Nous continuâmes de marcher et traversâmes l’extrémité de George Street. Pan marchait très près de moi. « Cela te dérange-t-il que je marche auprès de toi ? » « Pas le moins du monde. » Il passa son bras autour de mon épaule. Je pouvais sentir le contact physique. Au son et à la vue se trouvait maintenant ajouté le toucher. « Cela ne t’ennuie pas que je te touche ? » « Non. » « Excellent. » Je ne pouvais comprendre son effort déterminé de déceler un signe de peur. Je ne prétends pas être brave. Il y a de nombreuses choses qui pourraient me faire peur, mais pour une raison ou une autre cet être ne m’inspirait aucun crainte. Sa présence était imposante mais je ne ressentais aucune peur – seulement de l’amour.
Je ne savais pas alors qu’il était important pour Pan de trouver quelqu’un qui n’ait aucune peur de lui, afin de mener à bien ses projets. Il est un grand être, le dieu de tout le monde élémental et des créatures des bois. Il est possible de se sentir mal à l’aise en sa présence a cause du respect qu’il impose, mais il ne devrait y avoir aucune peur. « Tous les êtres humains ont peur de moi. » Ceci n’était pas une menace. Il prononça ces mots avec tristesse. « L’Église Chrétienne m’a pris comme modèle pour le diable. » C’est la raison pour laquelle Pan inspire de la crainte; à cause de cette image que l’on projette sur lui. La plupart des êtres humains ont une crainte instinctive du diable et cette peur se trouve transférée sur Pan à cause de l’association. Nous devrions changer cette image afin que sa nature réelle puisse se révéler. Voilà pourquoi il lui fallait trouver quelqu’un qui n’ait pas peur de lui.
Nous tournâmes dans Queen street. Comme nous passions devant la poste, je demandai à Pan où se trouvait sa flûte. Il sourit. Je l’ai avec moi, tu sais, » et soudain il la tenait entre ses mains. Il se mit à jouer une mélodie curieuse. Je l’avais entendue dans les bois auparavant et je l’ai entendue souvent depuis, mais son air est si évasif que je ne peux jamais me le rappeler.
Lorsque nous atteignîmes la porte principale de l’immeuble il disparut, mais quand j’entrai dans la maison, j’eus la forte impression qu’il était là, bien que invisible à mes yeux.
Cette rencontre étrange fit une impression très forte sur moi. Je n’avais aucune idée pourquoi elle s’était produite ou pourquoi cet être avait choisi de se montrer à moi. Il me semblait maintenant que la rencontre avec le petit faune. Kourmos avait été une sorte de préliminaire. Je ne pouvais démentir l’une ou l’autre de ces rencontres comme étant le produit de l’imagination. Les deux êtres étaient beaucoup trop solides et réels. Je me demandais ce qui allait se passer par la suite.
[Julia G. le 24-05-03] |